Hermann Hesse – La Clarté et l’Éveil. Du Démoniaque en Littérature
par Roger Dadoun
Résumé
Le titre donné à une contribution s’efforce toujours d’offrir quelques repères, seraient-ils ironiques ou paradoxaux, permettant de suivre au plus près le travail effectué sur une œuvre, une pensée, un auteur. Hermann Hesse se propose ici en guide efficace. L’interrogation sur la manière dont « la littérature change l’homme » – mais l’on est aussitôt pressé d’ajouter un « tel qu’en lui-même », qui n’est lui-même jamais ; « tel », etc. – est un solide fil rouge dans le parcours de son œuvre. L’idée de « Clarté » vient aisément à l’esprit, pour peu que l’on s’attache au nom d’Émile Sinclair, porte-parole de l’auteur dans cette œuvre intensément problématique qu’est Demian, et que ce signe clair (« perles de verre ») nous oriente vers une philosophie des Lumières – Aufklärung. « Éveil » renvoie à ces vastes ressources et figures de l’âme et de la culture qu’est le Bouddhisme dont se sustente la pensée de Hesse, et dont il a tenté de faire passer la quintessence dans ce joyau littéraire qu’est Siddharta.
De quel ténébreux et souterrain travail cette image de l’Éveil est-elle censée être aboutissement ou couronnement ? Le « Démoniaque », mis en recel dans le nom de « Demian », ouvre des pistes nombreuses et déroutantes, et se dérobe à toute perspective manichéenne pour nous plonger dans une méditation « dialectique » originale où la référence psychanalytique (apte à nous conduire aux « portes des Mères ») apparaît incontournable.
« L’homme », le « soi » étant au centre de cette vision, d’autres auteurs ne manqueront pas d’être sollicités, au gré d’inattendus recoupements (Romain Rolland : « le Voyage intérieur » ; Péguy : « l’opération commune du lisant et du lu » ; Pelloutier : « nous sommes les amants passionnés de la culture de soi-même » ; Armand Robin : « ma vie sans moi », etc.).