Égoïsme et vertu
par Anne Merker
Résumé
Le conflit entre égoïsme et vertu est une source ancienne de réflexion. On trouvera sans difficulté depuis les temps les plus reculés de l’histoire des sociétés occidentales des systèmes éthiques où vertu et égoïsme apparaissent comme incompatibles. La philosophie de Platon ou d’Aristote ne s’en est pourtant pas tenue à cette opposition répandue. Fondant la vertu d’abord sur un rapport à soi et à ses propres capacités en tant qu’être humain, plutôt que sur un rapport à autrui où l’effacement relatif de son intérêt personnel serait le préalable d’un comportement éthique respectueux de la personne d’autrui, la philosophie antique a trouvé en la vertu, pensée comme une forme de perfection, l’intérêt le plus authentique de l’être humain. C’est en ce sens qu’Aristote a pu écrire que le plus égoïste des hommes était l’homme vertueux (Éthique à Nicomaque, IX 8). Associant ainsi profondément l’intérêt et la vertu – à l’inverse, du moins en apparence, des analyses que Kant déploiera dans la Critique de la raison pratique –, c’est la motivation même de l’action morale qui se trouve assurée en anéantissant un conflit majeur qui mine le cœur humain.