Éthique et contextes
par Bernard Reber
Résumé
Certains philosophes francophones ont plaidé récemment pour une vision forte de contextualisme, (le «contextualisme critique » d’Hunyadi par exemple), estimant péremptoirement que la philosophie morale n’a laissé qu’une place marginale au contexte, réduit à de simples formes de vie de contingentes. Si l’on élargit le contexte de la communauté considérée et si l’on convoque plus largement les travaux en philosophie morale de langue anglaise, on comprend que cette charge est trop brutale puisqu’il existe des tentatives solidement étayées pour défendre des formes de contextualisme parfois sophistiquées. Si le retour à une phénoménologie et à une herméneutique de l’expérience morale et à l’historicité est le bienvenu, il ne doit pas faire l’économie des clarifications et des solutions proposées par certaines tentatives analytiques (Thomas, Annis, Timmons), notamment pour faire face au pluralisme éthique et à ce que j’appellerai une critique inter-contextuelle.
Prolongeant le projet international Approches interdisciplinaires du raisonnement moral en contexte, je montrerai en quoi l’interdisciplinarité permet d’échapper aux critiques du contextualisme critique et redéploie de façon plus ouverte et parfois controversée les définitions du contexte. Assumant la normativité dans la définition du contexte, je quitterai les perspectives existentielles, intersubjectives et non instrumentées pour explorer les problèmes relatifs à des contextes multiscalaires et intertemporels en vue d’une éthique de l’environnement qui soit en phase avec les sciences documentant ce domaine, ainsi que les décontextualisations (déterritorialisations) rendues possibles par les technologies de l’information et de la communication.