Johann Sebastian Bach, une vision du monde par la musique
par Gilles Cantagrel
Résumé
Si la pensée de l’homme se manifeste de multiples façons, c’est chez le compositeur de musique principalement par l’agencement de structures du matériau sonore et ses développements organiques. Dans la première moitié du XVIIIème occidental, Johann Sebastian Bach, quasi contemporain de Leibniz, présente sous cet angle le cas très particulier d’un créateur qui a poussé à des extrémités insoupçonnées de richesse et de complexité ces techniques, dont on n’a pas encore aujourd’hui épuisé le décryptage et l’interprétation. Et les musiciens qui lui ont succédé ont unanimement reconnu à son œuvre la puissance d’un langage syncrétique résumant et exaltant toute la pensée musicale occidentale jusqu’à lui. A la donnée contingente d’une œuvre le plus souvent destinée à une fonction précise dans la société du temps, à ses composantes textuelles et au plaisir esthétique qu’elle suscite, se superposent des fonctions parallèles, dans une rhétorique possédant une très forte valeur sémantique intrinsèque. Bach met en effet en œuvre, à plusieurs niveaux, une combinatoire unique en son genre dans toute l’histoire de la musique. Fondamentalement polysémique, le discours sonore qu’il ne cesse de tenir est un constant défi à la mort, mais aussi une lecture de l’univers et de la place qu’y tient l’homme, dans une vision cohérente et ordonnée de nature spirituelle.